Little Brother is watching you...

Sean avait réussi à trouver l'itinéraire pour aller à Montmartre et ne regrettait pas d'avoir laissé Ratchet s'occuper du métro. Le cadre de Montmartre lui rappelait certaines scènes d'un film dont il n'avait pu regarder la fin, ayant la désagréable impression de devenir un Enfant de Gaïa à chaque scène où il voyait Audrey Tautou... Pour le cas, avec la lumière qui décroissait, le cadre était moins enchanteur et plus réaliste que celui du film.

"Tant mieux, j'avais pas envie de me taper une indigestion de guimauve. Bon, où je vais bien pouvoir placer ce zinzin ?"

Il jouait avec la caméra miniature, hésitant un peu avant d'enclencher le bouton. Il souleva l'objectif à hauteur de son visage et commença une mauvaise imitation de journaliste de télévision, tout en marchant dans Montmartre.

"(Clin d'oeil caméra) Me voici au coeur de Montmartre où nous pouvons constater qu'une foule interlope, tiens c'est un mot qu'il faudra que je regarde dans le dico, fait de son mieux pour entretenir la réputation et le charme d'un quartier qui a vu nombres de grands et de tous petits artistes user leurs crayons sur le physique ingrat de touristes gorgés de cholesterol, bonsoir mam'zelle..."

Le regard amusé de la jeune japonaise et son insistance pour le prendre en photo donna lieu à une séance de pose sans grande conviction, le mini-short de la demoiselle préoccupant plus Sean que le naturel qu'il pouvait afficher sur les photos. Il prit congé de la demoiselle non sans lui avoir demandé à quel hôtel il pouvait la trouver et le numéro de sa chambre et entreprit de trouver un endroit adequat pour installer la caméra. En hauteur, donnant sur une partie intéressante et difficile d'accès... Il devrait bien pouvoir trouver ça...

Le cri stridenst de Stefania, hurlant à la Lune dans cette ruelle étroite, attirèrent inévitablement l'attention des quelques locataires environnants. Des ombres s'approchèrent des fenêtres fermées et tâchèrent d'observer ce qui se passait dans la ruelle. Stefania porta un dernier regard à la petite gitane, lui transmettant des yeux ses meilleurs voeux, et tourna l'échine vers la sortie.
Levant le "nez", elle se vit pénétrer sur la rue Norvins et atteignit peu après la place du Tertre où une petite troupe de touristes était affairé à observer un type étrange en train de jouer au journaliste improvisé. C'est lorsqu'elle croisa le regard profond de l'adolescent qu'elle constata piteusement sa partielle mais très évidente nudité...

Sean se dirigea à l'écart des badeaux vers une ruelle sombre pour jauger l'agencement des lieux. Il lui avait semblé entendre le hurlement d'un loup. Un peu de calme et de concentration, faire le silence autour de soi pour esssayer d'entendre à nouveau le murmure des esprits, eux connaissent les lieux et sauront indiquer le bon endroit... C'est là qu'il croisa son regard. Elle semblait aussi déplacée dans ces lieux qu'un croque-mort à un mariage, et sa relative nudité ne faisait qu'accentuer le décalage causé par sa présence. Il lui fit signe de le suivre dans la ruelle, à l'abri du regard des gens...

Le jeune homme avait quelque-chose d'attirant, une sorte d'aura réconfortante, un aspect familier, presque animal, qui donna confiance à Stefania. C'est le genre de considération qui l'avait contrainte à toujours se sentir exclue parmis ses proches : il y avait toujours eu une odeur, une sensation désagréable à cotoyer ses contemporains... Cette fois était si différente ! Elle surprit alors le regard insistant du jeune homme qui semblait lui montrer la direction d'une ruelle proche, mais elle ne pouvait décement pas traverser la Place du Tertre en s'exposant ainsi au regard de tous... D'un geste vif elle se saisit d'une veste de toile placée sur un étalage et s'enfonca dans la Rue Norvins pour tenter de rejoindre par derrière le jeune homme en contournant ce haut lieux du tourisme Parisien...

La troublante hésitation de la jeune femme l'encouragea à rejoindre le couvert d'une rue déserte et d'y adopter une attitude décontractée, accroupi le dos en appui contre le mur, caressant du bout des doigts le sol de la rue et demandant aux esprits de ces lieux d'accorder le répit d'un refuge à celle qui y entrerait bientôt. Ses manières lui laissaient deviner la nature animale de la jeune femme et il s'apprêtait à l'accueillir à la façon de sa lignée. Du doigt, il traça dans la poussière le croissant de lune et le hurlement qui montait vers lui, symbole de son clan... Il posa un genou à terre derrière le symbole et regarda la femme s'approcher...

Tandis qu'elle avançait précipitament dans l'une des rues les moins fréquentées de Montmartre -- s'il en est --, Stefania se rendit subitement compte du silence pesant qui régnait sur ce quartier habituellement très bruyant. Au loin, on entendait à peine le ronronnement régulier des automobiles, et ici Montmartre semblait sur le point de s'endormir. De hauts nuages commençaient à recouvrir le ciel ozoné de Paris et les dernières lueurs du soleil s'éteignaient en mince langues rougeâtres à l'horizon.

Comme Stefania ralentissait pour mieux saisir ce que ses sens exacerbés voulaient lui dévoiler, elle s'approcha de l'angle d'une ruelle adjacente et y risqua un oeil. Naturellement, la scène qu'elle découvrit lui parut totalement incongrue : le jeune homme qui lui avait fait signe de le retrouver se trouvait maintenant un peu plus loin, un genou au sol et le regard tendu dans sa direction : il l'attendait très sereinement... Que cela cachait-il ? Stefania eut immédiatement envie de rebrousser chemin et de reprendre le cours normal de sa pathétique petite vie quotidienne. Cependant, cette nuit, ces hommes déchirés sur le sol, la petite gitane et maintenant le jeune homme qui la regardait comme s'il savait tout d'elle l'empêchèrent de tourner les talons et de replonger dans la médiocrité d'une vie humaine servile qu'elle n'avait tous comptes fais jamais supportée. Stefania fixa le jeune et s'avança dans la lumière...

Elle marcha lentement droit devant en direction du jeune homme, alignant les pieds sur une ligne imaginaire qui la faisait se déhancher très... félinement. Des images lui vinrent en tête tandis qu'elle réduisait la distance : un éclair de sang, une ombre plus dense encore que la nuit, des flashs de lumière blanche, des visages tordus de douleur. Puis une odeur à peine saisissable, un souvenir : la Peur. L'Effroyable Peur, incontournable, du gisant découvrant la haine du monstre au-dessus de lui et s'appretant à se délecter de ses chairs humides et chaudes. Cette gueule gigantesque aux crocs acérés qui arrachaient ses muscles et ses os dans un grondement hargneux et bestial.

Stefania cligna des yeux et s'aperçut qu'elle faisait maintenant face au jeune homme. À ses pieds, une demi-lune avait été tracée. Elle saisit son regard et approcha son visage du sien sans qu'il n'esquisse le moindre mouvement. Elle porta son nez à la tempe de l'homme et inspira profondément. Puis elle recula d'un pas et expira lentement tout en pénétrant à nouveau son regard.

Serein. Pas de peur. Un sentiment fraternel. Une odeur familière... Du respect. "Qu'est-ce que c'est que cette connerie ? pensa-t-elle. Qui est ce type ?"

Aucun mot n'avait encore été échangé et pourtant le dialogue établi par les sens de ces deux êtres avait déjà révélé l'essentiel. Mais Stefania était incapable de traduire ce langage et dût malgré tout s'adresser par la voix au jeune homme :

"S'il vous plait, aidez-moi."

Et elle baissa les yeux...

Sean entendit la requête de la jeune femme et la rattrappa par les épaules au moment ses muscles semblaient sur le point de se relâcher. Il hûma un instant son parfum et posa sa main sur son front dans l'intention de la rassurer. Les mots qu'elle avait prononcé témoignaient de sa détresse et de sa confusion, et même s'il sentait que les mots qu'il pouvait prononcer ne suffiraient pas à l'apaiser, il faisait confiance au ton de sa voix pour qu'elle saisisse ses paroles.

"L'Hospitalité est un des principes de base de ma tribu, et jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement, je te place sous ma protection. J'ai une chose à faire ici avant que nous ne rejoignons un endroit sûr. Attends moi ici, je serais là très vite."

Il l'aida à s'installer dans un coin de la ruelle, face au symbole de sa tribu et s'assura qu'elle restait tranquille en quittant la ruelle. Il avisa une enseigne de restaurant assez bien située et entreprit de se hisser à son niveau dans la ruelle qui menait aux cuisines. Il plaça la caméra dans le décor de l'enseigne, l'activa et retourna rapidement retrouver la jeune femme.

Elle n'avait pas bougé, et sembla soulagée de le voir revenir. Il l'aida à se relever et ils prirent le chemin du Caern. Il savait à quel point certaines expériences pouvaient être traumatisantes, en particulier lorsqu'elles sont intimement liées à votre nature, et il voulait que quelqu'un puisse l'assister dans ce moment qu'il devinait critique pour la jeune femme...

En confiance, Stefania accompagna le jeune homme vers l'inconnu...

Retour au Caern...

Admin Nombre de messages : 251 Date d'inscription : 27/05/2006

Sean pouvait rentrer au Caern, il avait accomplit sa mission et avait trouvé une nouvelle recrues potentielle pour la Nation Garou.
Les deux jeunes gens quittèrent donc les rues de la capitale qui commençait à s'endormir, pour se diriger en fonction de la sécurité de la forêt de Fontainebleau. Le tout sous le regard alerte d'un hibou qui avait assisté de loin à la scène et suivait silencieusement l'étrange couple.

Quelqu'un d'autre avait été témoin des étranges évènements qui s'étaient déroulés dans la ruelle sombre. Un homme d'un quarantaine d'années et aux traits visiblement marqués par la souffrance, sortit de l'ombre. En regardant s'éloigner le Fianna et la jeune Furie, il avait prononcé à mi-voix quelques cantiques religieux, avant de repartir sur un chemin connu de lui seul...