Ciel gris, eau verte et odeur de mort

De la fumée... Une odeur piquante et acide... La nature avait été vaincue. Qui avait pu faire de tels dégâts à Gaïa? Oreilles Affutées ne tarda pas d'expliquer à son fils que le Ver était le responsable. Seulement le Ver avait corrompu les Hommes, ces êtres que Crocs-de-Lumière n'avait entre-aperçu qu'une seule fois dans sa vie. D'ailleurs, ils avaient fait rapidemment demi-tour en voyant le loup imposant, malgré son jeune âge. Cependant, il savait qu'il nétait pas totalement d'eux, il détenait une part humaine en lui et ce pour son plus grand désarroi.

Crocs-de-Lumière savait que son destin ne serait pas commun à ses frères et soeurs, il s'aprocha de sa mère lentement et lui lècha le visage, comme s'il sentait que l'heure de la séparation approchait et qu'il voulait remercier sa mère pour toute l'affection portée.
Le lupus, regarda ensuite en contre-bas, des Hommes s'affairaient à déplacer des barils de liquides tous plus dangereux les uns que les autres.

"Mère? Pourquoi moi?"

Crocs-de-Lumière avait lâché subitement cette phrase. La louve parut surprise, elle ne s'attendait pas à cette question pourtant si légitime... Elle ne put malheureusement lui répondre que par un regard des plus compatissant. Sa vie sera dure, mais il combattra avec fierté pour Gaïa, notre mère à tous.

Le loup maudit ces humains, cause de son malheur, cause de la corruption de cette vallée, cause de beaucoup de choses. Crocs-de-Lumière se hait aussi, il hait sa part humaine en lui... Cette rage en lui s'exprime alors pour un hurlement de colère qui s'entend à des kilomètres à la ronde...

Crocs-de-Lumière fixait ce nouveau venu. Il avait compris que celui-ci était venu le chercher, une nouvelle vie s'offrait à lui, seuls quelques pas l'en séparait. Oreilles-Affutées s'approcha de son louveteau, la séparation était désormais inévitable. Quoi de plus horrible pour une meute que de perdre son chef incontesté? Quoi de plus horrible pour un chef de meute que de devoir la quitter de cette manière? Le lupus savait qu'il ne les reverraient probablement jamais. Sa mère lui lècha le museau en signe d'adieu... Elle voulait précipiter ce moment ô combien douloureux.

Le louveteau s'approcha alors lentement du Garou lui faisant façe. Voilà sa nouvelle famille, les Garous!! Des êtres exceptionnels, venus contrer l'avancée du Ver. Après avoir vu le désastre causé par les Hommes, la volonté de Crocs-de-Lumière était sans faille. Il se battrait pour sa mère, pour ses frères, pour sa meute, pour Gaïa.

Crocs-de-Lumière se rapprocha encore un peu plus de Danse-avec-le-Vent, désormais seul un petit mètre le séparait de lui. Il se retourna une dernière fois vers sa génitrice, celle qui lui avait donné des bases à son destin, sans elle il ne serait pas là, sans elle rien de cela ne se serait produit... Un dernier regard, un dernier hurlement de tristesse. Voilà, les derniers souvenirs de Crocs-de-Lumière de sa mère.

Cela fait désormais quelques minutes qu'il marche à côté de son nouveau "frère", les deux loups se regardent de temps en temps, mais aucun n'engage la parole. Crocs-de-Lumière ne sait pas où on le mène, son coeur bat de plus en plus fort, le voilà dans un univers inconnu; lui qui a toujours vécu auprès des siens dans la plus grande quiétude.

Danse-avec-le-Vent arpentait la forêt en compagnie du jeune lupus qu'il avait récupéré. Ce dernier ne desserrait pas les dents et avait l'air plutôt renfrogné. Remarquez c'était assez compréhensible pour quelqu'un qui devait quitter les siens pour se retrouver au milieu de créatures étranges dont il ne savait presque rien, le jeune loup avait tout à réapprendre. Ce sentiment de nervosité était d'autant prévisible que Crocs-de-Lumière était un lupus, à part sa forêt natale il ne devait pas connaître grand-chose. De plus Danse-avec-le-Vent avait tendance à considérer ses congénères issus de loups comme des êtres à l'esprit plus étroit, plus rustre et un peu simplet. C'était un avis partagé par d'autres garous homidés.

Les deux garous, toujours sous forme de loups continuaient à marcher mais sans pour autant s'enfoncer dans la forêt. Il longeaient la bande d'agglomération éclairé par une série de réverbères qui éclairaient les maisons de l'autre côté de la route qui séparait la ville de la forêt. Danse-dans-le-vent jetait de temps en temps des regard à son nouveau compagnon qui restait désespérait pas silencieux. Il se décida finalement à briser la glace.

"Tiens je parie que t'es encore jamais allé dans une ville..."

Danse-avec-le-vent était un Enfant de Gaïa qui avait grandi dans la région de Marseille, la ville il connaissait. Et il avait bien l'intention d'aller s'aventurer dans les rues, il avait un autre louveteau à récupérer avant de rentrer au Caern de la Feuille Morte.

Des lumières jalonnaient leur chemin, Crocs-de-Lumière était mal à l'aise et cela se sentait. Un tout nouvel univers s'offrait à lui et il lui faudrait du temps pour l'assimiler. Les réverbères cachaient les étoiles dans le ciel, la lumière si peu naturelle énervait le Lupus. Comment pouvait-on ne pas laisser les étoiles et la lune éclairer Gaïa? Qui étaient ces êtres appelés Hommes pour pouvoir prétendre refaire le monde? Le lupus rêvassait en se rappelant de ces étendues de plaines où il courrait avec ses frères et soeurs, il se souvient de ces premiers instants de chasse, de sa première prise: un lièvre. Les souvenirs affluèrent de plus en plus: son premier combat, face à un louveteau, par la même occasion sa première victoire.

Danse-avec-le-Vent le tira de son rêve:

"Tiens je parie que t'es encore jamais allé dans une ville..."

"Une ville? C'est quoi?" demanda Crocs-de-Lumière.

Sûrement une invention humaine, pensa-t'il.
C'est vrai après tout, il ne connaissait rien de ce monde à part, il avait entendu parler de la cruauté de ces êtres qui détruisaient des forêts entières. Certains disent même qu'ils maîtrisent l'arme ultime: le feu. Rien que d'y penser, Crocs-de-Lumière en eut la chair de poule. Il savait qu'il devrait enaffronter un jour et il redoutait ce jour. Il essaye de les imaginer, car il faut bien dire qu'il en avait jamais vu, enfin de près. Il les voyait grand, très grand, dans les 2 mètres 50; pouvant cracher du feu de leur gueule et trancher les arbres de leurs pattes. Tout ce dont il était persuadé c'est qu'ils se tenaient debout mais il n'allait pas être au bout de ses surprises...

"La ville c'est ça..."

Danse-avec-le-Vent désigna de la tête le pâté de maison qui se trouvait à une centaine de mètre des deux loups à la lisière de la forêt. Villes, maison, routes, voitures... tous ces mots faisaient partie d'un vocabulaire que Crocs-de-Lumière aurait rapidement à maîtriser. L'Enfant de Gaïa poussa un soupir comme pour présager des difficultés qui n'allaient pas tarder à survenir.

"Enfin ça c'est pas encore vraiment la ville; C'est comme... comment t'expliquer... un tas d'immenses rochers avec des terriers creusés à l'intérieur. Les humains vivent des ces genres de terriers, le sol aussi est recouvert de roche et..."

C'était vraiment la plaie de devoir tout expliquer à ce lupus, mais Danse-avec-le-Vent eu une idée. Il allait montrer tout ça directement à Crocs-de-Lumière. La ville, les voitures, l'électricité, les humains ; le choc serait sans doute rude pour le lupus mais au moins il comprendrait et se rendrait compte des réalité rapidement ce qui n'était pas plus mal. Bien sûr l'Enfant de Gaïa avait lui aussi du mal à supporter la ville, ces odeurs de pollution, ses bruits, il n'y avait guère que les Rongeurs d'Os et les Marcheurs sur Verre pour ce sentir à l'aise dans cet enfer de béton. Mais de nos jours les cités étaient devenus des champs de bataille incontournable si on voulait combattre le Ver et retarder l'Apocalypse.
Les deux compère continuèrent à marcher quelques mètres en longeant la route jusqu'à à un endroit ou Danse-avec-le-Vent avait laissé un sac. Ce sac contenait des vêtement, un pantalon des chaussures usées, un polo et une veste de jean. Sans s'expliquer davantage, le garou repris forme humaine dans une série de contorsions et de grognement. Le tout sous les yeux du jeune lupus.

"La ville c'est ça..."

Des sortes d'arbres de pierre géants, des lumières de partout, des animaux étranges avec deux yeux lumineux devant et allant à une vitesse ahurissante: voilà donc l'oeuvre de l'Homme. Ils vivaient comme les termites, dans de grands terriers protubérants où apparemment ils s'entassaient. Il fallait être fou pour vivre de cette manière!! Comment faisaient-ils pour vivre sans cette liberté, ce goût des grands espaces, sans la nature tout simplement. Le loup n'en revenait pas, tout était si... Si triste... L'air était empoisonné, le bruit était assourdissant... C'était pire que tout ce qu'il avait pu entendre au sujet de ces humains.

Crocs-de-Lumière se mit alors de nouveau à se remémorer ses souvenirs. Le jour où il est devenu le chef de meute... Un combat féroce avait eu lieu, les deux loups se faisaient face, le premier, le chef de meute, était un vieux loup. Il la menait d'une poigne de fer et n'avait jamais laissé sa place à qui que ce soit, de nombreux congénères avaient tentés de prendre possession du titre, mais il les avait tous vaincu. Son adversaire, un louveateau, jeune encore, mais possédant un physique hors norme, il a la taille d'un loup adulte et des crocs extrêmement menaçant; il savait qu'un jour ce louveteau tenterait de lui faucher le rôle de leader. Les deux loups s'observaient, se tournaient autour, attendant une ouverture dans la défense de l'autre duelliste. Ce fut le vieux loup qui se jeta en premier, il mordit l'échine du louveteau, mais Crocs-de-Lumière ne se laissa pas faire, il...

Danse-avec-le-Vent le tira de nouveau de son rêve. Il venait de s'arrêter devant une espèce de poche fermée. Ce dernier l'ouvrit et en sortit des peaux et d'autres objets tous plus étranges les uns que les autres... Crocs-de-Lumière écarquilla soudainement les yeux, son compère était en train de changer, ses muscles se gonflèrent, les os craquèrent, il passa ainsi par plusieurs stades, pour finalement arriver à une forme étrange: une taille de moins de deux mètres, une tête séparée du reste du corps, une posture bipède mais c'est: un Homme!!!!

Le garou en pleine transformation sentait la nervosité de son compagnon monter d'un cran.

"T'emballes pas mon gars, c'est normal...enfin, pour nous..."

Une fois la métamorphose achevée, Danse-avec-le-Vent avait l'air d'un homme d'une trentaine d'années, sa fourrure avait laissé place à une peau au teint rosé parsemée seulement ça et là de quelques poils. Il paraissant surtout beaucoup plus grand à présent qu'il se tenait sur ces deux jambes. Danse-avec-le-Vent, de son vrai prénom David, étira un moment ses muscles endoloris, ces métamorphoses étaient aussi spectaculaires que désagréables. Puis il se dépêcha de d'enfiler les "peaux" avant de lancer un regard à la fois compatissant et sympathique. David s'avisa par contre de résister à l'envie de donner une caresse au loup, se que ceci le vexerai certainement. Pour un Griffe Rouge, difficile de voir un humain sans vouloir le mettre en pièce, alors pour ce qui était de se laisser caresser...

"Ne me fais pas croire que tu ne t'es encore jamais transformé ?"

Un homme, Crocs-de-Lumière avait en face de lui, un homme. Finalement, ils n'étaient pas si impressionants que cela, au contraire, ils semblaient bien frêles et chétifs. Danse-avec-le-Vent avait revétu une seconde peau; ainsi la première n'était pas suffisante? Les Hommes cherchaient sans doute à se protéger en rajoutant des peaux les unes par dessus les autres, il n'y a pas à dire, même si physiquement, ils n'était pas inquiètants, leur point fort était leur intelligence.
Pour les affronter, il devrait sûrement se transformer en cette créature...
Sa transformation... Il s'en souvient encore...

La meute dormait paisiblement, Crocs-de-Lumière en tant que chef, se devait de surveiller le reste de sa famille. La nuit était belle, une nuit de pleine lune, la lumière éclairait toute la tanière (un rocher surplombant une partie de la plaine).
Soudain, Crocs-de-Lumière ouvrit les yeux, un sentiment étrange en lui germait, comme un appel intérieur... Il se leva silencieusement et rejoignit le centre de la plaine. Il regarda alors la lune et ce qui devait se produire, arriva inévitablement. Il sentit le changement se produire en lui: d'abord sa taille augmenta énormément, ses crocs et ses griffes poussèrent démesurément. Il mesurait plus d'un mètre cinquante à la taille!! Puis ses os craquèrent et se déplacèrent, les articulations pivotèrent, petit à petit, il prenait une forme étrange, à mi chemin entre un ours et un loup...

Voyant la mine atterée du Lupus, toujours plongé dans ses souvenirs, l'Homidé demanda:

"Ne me fais pas croire que tu ne t'es encore jamais transformé ?"

"Si, enfin pas sous la forme humaine..."

Crocs-de-Lumière se sentait gèné, il se sentait totalement anormal. Aurait-il dû atteindre ce stade de transformation? Qu'est-ce qu'il en a empêché? Il ne le sait pas lui-même, ou du moins il s'en doute plus ou moins...

"Bah fais pas cette tête, ça viendra avec le temps..."

David avait émi une série de grognements. Il s'exprimait dans la langue Garou, un langage instinctivement comprhénsible par tous les lycantropes quelque soit leur nationalité ou qu'ils soient de lignée animale. Crocs-de-Lumière n'avait en effet encore aucune notion d'un quelconque langage humain, encore une chose qu'il lui faudrait apprendre.
Mais pour l'instant cet forme de communication primitive qui atteint rapidement ses limites dès qu'il s'agit d'aborder des sujets un peu techniques semblait tout à fait convenir au Lupus qui avait l'air de comprendre ce qu'on lui disait.

"A présent il faut qu'on récupère un autre louvetaux... en ville. Reste comme tu es et suis moi. A cette heure-ci il n'y plus grand monde dehors, on ne devrait pas se faire remarquer. Ne me lâche pas d'une semelle et évite de t'exciter si tu vois des choses bizarre. D'accord ?"

A vrai dire, David avait pour instruction de conduire le plus rapidement possible Crocs-de-Lumière au Caern. Mais cela obligeai à faire un détour inutile selon lui. Amener un jeune lupus Griffe Rouge en ville, Danse-avec-le-Vent prennait des risques, il en avait conscience et c'était peut être bien une des plus belles conneries qu'il ai jamais fait...

Crocs-de-Lumière languissait d'arriver, de sortir de cette "ville". Maintenant, ils n'allaient pas seulement la longer, ils allaient carrément y entrer!!

*Remarque, il faut bien un début à tout, se dit le lupus.*

La scène était plutôt loufoque, un homme qui marchait aux côtés d'un loup, ce dernier ne le lâchant pas d'une semelle. On croirait avoir affaire à un remake de Croc-Blanc, à la différence près que Crocs-de-Lumière était un bien plus imposant et moins sympathique que le loup blanc. Voilà qu'ils traversaient la première route, le sol n'était même pas agréable à fouler: pire que de la roche... Pas de monstre aux yeux de lumière et au cri d'un animal inconnu pour Crocs-de-Lumière, à l'horizon. La traversée se passe pour le moment dans de bonnes conditions. Depuis qu'il a vu l'apparence d'un humain, le Lupus ne ressent plus de la crainte, non en effet, sa crainte c'est transformée en sentiment de colère exacerbée. Le premier humain cherchant à le provoquer, risquerait de s'en souvenir toute sa vie, qui pourrait s'achever plus tôt que prévu d'ailleurs...

Suite aux Quais de Seine, "On the road again" :

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