Chapitre 3 "Epuration"

Rêveur-des-Prairies, étant à une distance respectable de ses compagnons, fureta de-ci, de-là, repérant l'espèce de bouche d'égoût qui déversait l'eau empoisonnée, la route, le grillage et les bâtiments abrités derrière ce dernier. Une usine. Tous ses coups d'oeil avaient été donnés depuis la cachette que formaient les derniers buissons et arbustes...

Il décida de revenir légèrement sur ses pas jusqu'à rencontrer Brise-de-Feu et Crocs-de-Lumière, apparement en pleine discussion. Le Théurge baissa la voix d'un cran et, bien qu'excité par ce qui se passait, ne dépensait plus beaucoup d'énergie pour remuer sa queue.

" Il y a une usine un peu plus loin, ou en tout cas, quelque chose qui y ressemble beaucoup. Je n'ai vu que les grillages et une route ainsi que les silhouettes des bâtiments de l'installation... Ah ! Et surtout, la source de l'eau polluée : un conduit qui passe sous la route, je devrais pouvoir m'y glisser sans problèmes s'il le faut, et même Brise-de-Feu, si elle se met à quatre pattes... J'ai pensé qu'on pourrait faire le tour de l'endroit tous les trois, même si ça paraîtra louche qu'on surgisse de la forêt... ou alors, on peut essayer d'entrer par le conduit, voire se séparer, par exemple, je pourrais essayer d'entrer en passant par le tunnel pendant que vous feriez le tour du truc pour trouver une autre entrée... Si vous voulez voir, c'est un peu plus loin derrière les arbres. Hum, il est encore tôt, il n'y a peut-être personne qui travaille maintenant... "

D'un signe de tête, il montra les ombres derrière lui. Sa dernière phrase était plus une réflexion à voix haute qu'autre chose...

Crocs-de-Lumière et Brise-de-Feu étaient en pleine discussion sur les sociétés humaine et lupine. Elles étaient à vrai dire totalement différentes, c'est sûrement ce qui faisait que l'union des deux puisse donner des créatures aussi puissantes que les Garous, le meilleur de Gaïa, condensé en une seule société...

Rêveur-des-Prairies revint rapidement, la rivière débouchait sur une de ces installations humaines polluées jusqu'à la souche. Le Cliath montrait des signes de mécontentement, ces hommes s'en prenaient directement à Gaïa et de façon délibérée! S'en était trop, il fallait agir, l'Alpha écouta les propositions de l'éclaireur, puis donna son avis:

"Bon, nous y sommes, Rêveur-des-Prairies, tu dis avoir vu un conduit? Hum, si nous voulons nous la jouer discrète c'est l'idéal, mais maintenant ce n'est pas ce que je conseille. C'est notre première mission, il est très important que nous restions tous groupés pour minimiser les risques, ensemble nous sommes forts, séparés nous sommes vulnérables. Peut-être que dans deux ou trois missions, nous serons suffisament prêts et préparés pou agir en solo, mais là, non, ce n'est pas une bonne idée. Essayer de faire le tour pour repérer les lieux, me semble être le meilleur plan. Brise-de-Feu, tu en penses quoi?"

Crocs-de-Lumière avait compris la leçon, il était responsable de la meute et de leurs vies, mais en aucun cas n'avait le droit de prendre des décisions seul.

« Maeve Brise-de-Feu, c’est Maeve Brise-de-Feu… » Corrigea-t-elle machinalement. Son prénom avait une signification très intéressante et elle y tenait.

La Fiann descendit du dos de son alpha. Bon, c’était la où ses qualités de stratèges allaient être mises en pratique. Réfléchissons, réfléchissons…
La jeune Galliard médita un instant puis répondit.

« Il faut que nous soyons prudent, car il y a sûrement des gardes. Il faudrait certainement les éliminer sans donner l’alarme, mais je ne sais pas quoi faire. Si nous avions des talkie-walkie ou ce genre de chose, nous aurions pu nous séparer. Crocs, des talkie-walkie, ce sont des appareils qui permettent de communiquer à distance. Mais je pense qu’en effet il serait plus prudent de faire le tour des bâtiments de la manière la plus discrète possible. Ah, et si nous sommes repérés et interrogés par des gardes, laissez-moi parler : je baratinerai. »

Rêveur acquiesça, Maeve et Crocs avaient raison : il fallait rester groupés et agir avec prudence, mourir stupidement n'aiderait pas le Caern à se débarasser de la pollution de l'eau... et l'idée de jouer le chien-loup d'une clocharde pour faire du repérage discrètement l'amusait. Il posa son regard sur la silhouette massive de Crocs-de-Lumière sous sa forme Hispo et lui parla calmement.

" Je suis d'accord avec Maeve Brise-de-Feu, il faut être prudent et lui laisser le dialogue... puisque de toute façon, c'est la seule qui puisse encore communiquer avec des humains... et en suivant cette idée, faire le tour de l'installation, nous resterons groupés... Evidemment, il vaudrait mieux que tu reprennes ta forme de Lupus sinon nous ne passerons pas inaperçu... "

Il fit une mimique à l'adresse de son Alpha pour lui montrer que son dernier " conseil " était plus une petite blague qu'autre chose, il se doutait bien que Crocs ne serait pas étourdi à ce point... Rêveur-des-Prairies alla ensuite se placer à côté de Maeve, un peu en retrait, comme le chien qui suit paisiblement sa maîtresse.

" Je suis prêt. "

L'Alpha sentait l'heure de l'affrontement proche, la meute de l'Oeil-Foudroyant allait frapper, frapper fort et vite. Cette usine n'avait pas sa place parmi ces lieux... Crocs-de-Lumière ne savait pas comment ils allaient agir une fois à l'intérieur. Aucun ne le savait d'ailleurs, le plan était dans un premier temps de réussir à pénétrer dans cet entassement de produits polluants et autres joyeusetés toxiques. La Fianna du groupe proposa son plan à Crocs qui lui répondit dare-dare:

"Ton aide nous sera précieuse oui, ils ne s'attaqueront pas à toi, tu devrais passer devant nous, je sais que le combat n'est pas ton fort, mais j'ai cru comprendre que tu plaisais à ceux de ton espèce; tu nous sera une pièce maîtresse, Maeve Brise-de-Feu."

Le Cliath ayant fait descendre la jeune Maeve, reprit une forme lupus, plus adaptée à la discrétion des lieux, puis répondit à son tour à Rêveur-des-Prairies:

"Faisons le tour oui, surtout, laissons Maeve gagner du temps, nous improviserons en temps voulu..."

Crocs-de-Lumière marcha lentement, faisant le tour de l'usine, cherchant à repérer toutes les entrées et les sorties... Il devait penser à tout pour que, quelque soit l'issue de la mission, ils puissent s'enfuir sans soucis.

Le Cliath s'approcha des panneaux; des symbôles, des centaines de symbôles emplissaient ces écriteaux, qu'est-ce que cela pouvait bien dire? Crocs-de-Lumière s'avanca aux côtés de Maeve:

"Ca signifie quoi tous ces signes? C'est en langue humaine?"

Puis, se dirigeant vers la porte de l'Ouest, il se tourna vers ses compagnons:

"Vous connaissez les pièges de votre espèce, en voyez-vous?"

Ne pas se brusquer, surtout pas, l'Alpha voulait protéger sa meute, et il savait combien agir intelligement était essentiel.

Le Griffes Rouges se placa à côté de la porte Nord:

"Quand vous vous sentez prêt..."

Après avoir sagement fait le tour en suivant Maeve comme un bon chien-chien, Rêveur-des-Prairies réfléchit, déjà passablement énervé en voyant les inscriptions sur le panneau... " l'humour " très particulier des Agents du Ver lui rappellait ce qui était accroché au-dessus du portail d'entrée du camp d'Auschwitz, quelque chose qui voulait dire " Le travail rends libre "...

* Dingue, le parti écologiste... heureusement que c'est pas le plus populaire... *

Il nota, mais furtivement, la présence des caméras de surveillance, il ne fallait pas qu'il y prête trop attention sinon, on risquait de se poser des questions de l'autre côté de l'appareil... et il coura vers Crocs-de-Lumière qui voulait utiliser une autre entrée.

" Restons groupés, je ne pense pas qu'il soit bon de nous séparer, même aussi peu... tu sais que je ne suis pas très combattif, et je ne pense pas que Maeve Brise-de-Feu le soit beaucoup plus que moi... et oui, il y a une sorte de piège tout autour de l'endroit, c'est... euh je t'expliquerai plus tard, mais si on ne sait pas se débarasser de ces choses... "

Il indiqua une caméra proche d'eux d'un très bref mouvement de tête et d'oreilles.

" Il faudra qu'on évite de passer devant, ça risquerait d'alerter des ennemis... "

Ensuite, il se mit à rejoindre Brise-de-Feu en espérant que Crocs le suive...

Maeve s’avanca à pas prudents, entre les deux loups. Pas de signes de gardes ou autre, juste des cameras. Bon. S’ils pouvaient éviter le combat…
La rouquine se recoiffa et s’arrêta devant le panneau, qu’elle lut et « traduisit » à Crocs du mieux qu’elle put, essayant de faire ressortir le côté utile de la station et l’illégalité des eaux usagées en pleines natures.

« Voilà, en gros, ce sont des caméras qui permettraient aux gens à l’intérieur de la station de nous voir, donc on ne doit pas passer devant. Bon, sinon, il doit y avoir un problème, normalement les eaux usagées ne sont pas lâchées comme ça… » Marmonna-t-elle en refusant d’incriminer le gouvernement de telles pratiques. Le Ver devait être là-dessous… Et elle comptait bien redresser la situation.

« Je passe donc en premier. J’agirai comme une propriétaire de deux chiens, c'est-à-dire que je risque de dire des choses humiliantes pour un alpha, comme te donner l’ordre de rester assis ou « bon chien » ou ce genre de choses. Ca sera pour le bien de la mission, d’accord ? »
L’irlandaise gardait son sérieux mais elle se voyait intérieurement très bien gratter Crocs derrière les oreilles pour amadouer un garde. Oh, oui, elle le savait : la mission allait être comique.
« Bon, on y va et au pire, on cogne. »

Et sur cette phrase qui fit se retourner dans leurs tombes tous les galliards de l’ascendance de Maeve, celle-ci ouvrit la marche.

Crocs-de-Lumière découvrait petit à petit le fruit de ses maux de ventre. Alors voilà, c'était ça la cible de la mission, un bâtiment corromp par le Ver!!
Selon les dires de ses frères et soeurs, les humains pourraient contrôler ce qu'il se passe autour par le biais de petits yeux mécaniques.
Le Cliath rejoignit discrètement Maeve et Rêveur-des-Prairies et leur glissa:

"D'accord, Maeve Brise-de-Feu, tu passes devant et je te laisse le soin de leur expliquer. Je reste un peu en retrait, l'effet de surprise ça marche en général. Un hurlement de votre part et j'accours sur le champ. Rêveur-des-Prairies passe pour un chien-loup avec son pelage blanc, moi, vu ma carrure, on ne peut pas me confondre avec ces créatures ayant pactisées avec l'homme."

L'Alpha de la meute commenca à tourner sur place, comme pour signaler son empressement. L'excitation de la chasse, ça lui manquait, là il retrouvait cette émotion, cette montée d'adrénaline, cette pression au coeur...

La petite meute n'eut pas tellement de temps de plus planifier son attaque. Une jeune femme qui devait à peine approcher les trente ans, plutôt menue, cheveux bruns attachés par une queue de cheval, de petites lunettes rondes étaient posées sur le bout de son nez, arriva. Elle portait également une blouse blanche de scientifique. Elle passa le portique de sécurité et s’adressa à Maeve.

"Bonjour je suis Martine Dupré, je suppose que vous êtes les bénévoles que nous envoie l’agence… "

Martine regarda autour d’elle, et poussa un léger soupir qu’elle s’empressa de masquer par un sourire. Apparemment elle s’attendait à trouver quelqu’un d’autre

" On dirait bien que vous êtes la seule à être venue… oh mais vous avez des chiens ! Je ne sais pas si ils pourront entrer… je demanderai à mon chef… Merci en tout cas c’est très gentil à vous d’être venu nous donner un coup de main. De nos jours il n’y a pas assez de monde qui se préoccupe de la conservation de la nature, et encore moins quand il s’agit de se lever tôt pur le faire."

La jeune responsable se demandait tout de même où l’agence avait recruté une telle personne. Elle était couverte de frusques, avait le teint terreux et était accompagné de deux molosses qui n’avaient pas l’air commodes. Mais après tout, l’équipe manquait de main d’œuvre et la station d’épuration avait besoin de techniciens, même peu qualifiés.

" Allons entrez je vous en prie, on va vous donner une blouse. Et…heu… les chiens peuvent venir aussi s’ils sont sages. "


Cette jeune humaine n'avait vraiment pas l'air dangereuse, du moins le pendentif de Brise-de-Feu n'indiquait, cependant les garous pouvaient être sûrs que l'endroit était la source de la pollution de leur rivière.

" Oh... heu... oui c'est bien moi. Maeve Conway, enchantée."

Un peu interloquée, la rouquine sauta pourtant sur l'occasion. Bon, elle ne savait pas trop quoi faire, ni comment, ni dans quel pétrin elle s'était encore fourrée, mais l'option non-violente se révélait toujours la meilleure.

" Les chiens sont dressés, ne vous inquietez pas, je ne m'en sépare jamais. Crocs, Rêveur ? Au pied ! Allez, venez avec maman, on va travailler un peu." Dit-elle en tapotant sur le flanc de Nick. Elle suppliait intérieurement Gaïa que l'alpha garde son calme et ne l'attaque pas dès la mission terminée pour manque de respect.
Tout en souriant et essayant d'avoir l'air aimable malgré son deuil et sa nuit blanche, l'irlandaise suivit la dénommée Martine Dupré à travers la station.

Sur le ton de la conversation, elle tenta d'en apprendre plus.

" Au fait, je suis désolée, mais l'agence ne m'a fait parvenir qu'un appel au volontariat... De quoi s'agit-il, exactement ?"

Le rôle du toutou au bon caractère ne dérangeait pas Rêveur-des-Prairies, cela l'amusait assez qu'on puisse le prendre pou un simple chien, en fait ça lui rappelait des films de son enfance, où les animaux riaient dans leur coin ou se moquaient des humains qui ne pouvaient pas les comprendre... ou parfois ils en étaient tristes. Mais de toute façon, Rêveur était un Garou, pas un chien, et lui était occupé à réfléchir de manière plus constructive qu'un simple clébard de film pour enfant... et il avait bien aimé cette tape affectueuse sur le flanc.

* Soit ce sont de grands comiques ici, soit ils ne savent pas qu'ils polluent... Hum, j'espère qu'il ne sont pas vraiment conscients de faire le mal, maintenant que j'ai cette femme en face de moi, je ne me sens pas l'âme de lui arracher la tête ou de lui trancher la gorge... j'espère que Crocs-de-Lumière et Maeve Brise-de-Feu... Non, en fait, qu'ils pensent ce qu'ils veulent, j'espère juste que nous ne tuerons personne qui ne le mérite pas... Je vais plutôt ouvrir mes oreilles... *

Bien qu'étant un Théurge sans formation concrète, Rêveur-des-Prairies essaya de se mettre dans un état spirituel plus réceptif que d'ordinaire, il se doutait bien que s'il y avait un Esprit dans cette station, il aurait beaucoup de mal à communiquer avec lui, sans compter le fait qu'il n'avait aucune offrande si on venait lui en réclamer une... Et il devait en plus continuer à jouer son rôle, suivant paisiblement Maeve. Et se retenant de faire des choses stupides, comme renifler le postérieur de cette Martine Dupré " pour faire plus vrai ". Un bon toutou ne renifle pas le derrière des gens, sans compter que son apparence plus lupine que vraiment canine ne devait pas être engageante... et encore, il ne montrait pas les crocs...

Une humaine coupa court à toutes négociations, habillée de façon étrange, elle semblait pourtant inoffensive. Le lupus se placa aux côtés de Maeve, comme le laissait prévoir le plan.
Cette dernière prit alors la parole et un dialogue s'en suivit, Crocs ne comprenait pas un mot de cette langue qu'on appelait la langue humaine; non, il n'entendait que mots découpés mais aucun sens pour lui...

C'est alors que Maeve tapa sur le flanc de Rêveur-des-Prairies en proférant quelque chose qui pourait s'apparenter à un ordre. L'Alpha ne saisissant rien se contenta d'agir comme son compagnon lupus.

*Que peuvent-ils se dire? J'espère que Brise-de-Feu s'en tire bien...*

Crocs savait bien qu'il allait falloir la jouer serrée, ces pseudos-résidents ne semblaient pas véritablement corrompus par le Ver. La mission allait se résumer à mettre la station hors de nuire avec le minimum de victimes...

Un cri strident, suraigu, un grognement étouffé. Le même que celui qu’il avait pu entendre prêt de la rivière au caern, retentit dans les oreilles du théurge. Cette fois il paraissait plus net, mais quant à son interprétation, cela restait toujours au niveau de la supposition : que pouvait signifier un tel bruit qui pouvait être aussi bien un appel de détresse que le cri de rage de pousse un prédateur avant de passer à l’attaque. Quoiqu’il en était il semblait que seul Rêveur-des-Prairies était à même d’entre ces bruits qui n’étaient de toute évidence pas émis par quelque chose appartenant au monde physique.

De son côté, Martine Dupré continuait de guider la précieuse bénévole et ses deux chiens dans la station. Les lieux étaient assez étendus, en plus du bâtiment principal – un énorme bloc de béton sombre percé que quelques portes et fenêtres – la station était composée d’un nombre impressionnant de conduites, tuyaux et tubes en tous genre par lesquels passait les eaux usées pour ensuite transiter dans les énormes cuves et bassins que comprenait l’endroit.
A ce titre il régnait dans l’air, l’odeur âcre et acide, un peu piquante due aux levures et autres produits utilisés dans le but d’assainir l’eau.

" Oh ne vous attendez pas à ce qu’on vous demande de diriger la station, non il s’agit d’un petit travail assez simple, et plutôt rébarbatif je dois bien vous l’avouer... "

La jeune femme ouvrit une porte métallique, qui donnait sur donnait sur une petite salle avec plein de valves, de leviers et de cadrans divers. On entendait en outre plus nettement le bruit assourdissant des turbines.

" Vous allez juste devoir surveiller le niveau de pression, il y a une blouse de travail posée là, je pense que c’est votre taille. Ce n’est pas vraiment nécessaire mais ça donne toujours l’air un peu plus sérieux. Vous n’aurez qu’à vous installer ici avec vos chiens, ça m’étonnerait que quelqu’un vienne vous déranger. "

Dupré n’était pas vraiment souriante, assez fatiguée à vrai dire, mais elle semblait ravie de la présence de Maeve, même si celle-ci ne correspondait pas tout à fait au profil de la maison. Mais la station fonctionnait en sous effectif depuis des mois et ne continuait son travail que grâce au maigres subventions et à l’aide de quelques précieux bénévoles.
La jeune femme prit alors un calepin et nota :

" Maeve… Conway c’est bien ce que vous m’avez dit ? Ne vous inquiétez pas on ira pas vous chercher d’ennuis, c’est juste pour garder une trace de votre passage. Et puis on a eu quelques ennuis avec les derniers bénévoles, deux types bizarres, du genre baraqués et agressifs… enfin je ne vois pas en quoi ça pourrait vous intéresser… "

Tout en reniflant la blouse que l'on proposait à Maeve afin de vérifier qu'il n'y avait rien de mauvais là-dedans et surtout afin de donner l'impression d'être réellement un gros chien, Rêveur-des-Prairies réfléchissait à ce que pouvait être le cri qu'il entendait... La conclusion la plus simple à faire était qu'il s'agissait d'un Esprit, puisque personne ne semblait entendre de bruits bizarres et qu'il venait d'adapter comme il avait pu ses perceptions au monde spirituel... il était content que même sans expérience il puisse se mettre dans un état mental qui lui permettait d'écouter les habitants de l'Umbra.

Il vint tourner un peu autour de Brise-de-Feu et la renifler en évitant soigneusement de s'intéresser à certaines parties de son anatomie, car si Martine Dupré pouvait sans problème excuser un chien qui reniflait un derrière, le Théurge était sûr que la rouquine n'aimerait pas sentir une truffe tourner autour de ses fesses...

* C'est peut-être l'esprit de la rivière qui m'appelle à l'aide, ou bien justement le mauvais esprit qui l'empoisonne qui me menace ou se moque de moi... Il n'y a pas trente-six façons de le savoir ! *

Rêveur se dressa alors sur ses pattes arrières, appuyés sur Maeve Brise-de-Feu, la langue pendante et la queue remuante. Il lui lécha les mains avec douceur, puis commença à émettre de petits grognements et autres gémissements canins, qui n'était autre qu'un peu de langue garou...

" Demande-lui si on peut se promener dans la station, on sera sages... je vais essayer de trouver des trucs de mon côté... il y a un Esprit ici... "

Et il fallait le débusquer pour l'aider ou, dans le pire des cas, le chasser...

Maeve suivit Martine sans broncher, jouant le rôle requis par la mission. C’était tout de même une sacrée chance, car ils avaient un alibi tout frais pour leur présence dans la station, et donc la discrétion et la prudence pouvait se relâcher un peu.

« D’accord. Aucun problème. » Dit-elle en enfilant la blouse en question, qui avait au moins le mérite de cacher ses manches en lambeaux. Elle pourrait toujours dire que le bas était de la dernière mode grunge…

L’irlandaise écoutait distraitement l’adulte lorsque le mot « agressif » retint son agression. Elle haussa les sourcils, sans cacher son étonnement.
« Vous avez eu des problèmes avec d’autres gens de l’agence ? » Demanda-t-elle alors que son cerveau fonctionnait à plein régime.

* Je vois… Donc ce n’est peut-être pas la station en elle-même la responsable… *

Mais Rêveur requit toute son attention et Brise-de-Feu se confondit en papouilles et caresses alors que le lupus lui transmettait son message.

« Bon chien, Rêveur, bon chien… tu veux quoi, mon gros toutou ? Sortir, hein ? La marche de ce matin t’as pas suffit ! Rah là là… Mon bon gros chien, ça ! »

La galliard espéra qu’il comprenne, et finit par se retourner vers Mme Dupré, tout en regrettant de ne pas avoir observer les propriétaires de chien plus souvent.

« Ils sont un peu excités, ils n’ont pas vraiment l’habitude de la forêt… Enfin, j’imagine que vous ne pouvez pas les laissez courir dans la station, même s’ils sont sages ? Je ne pouvais vraiment pas les laisser toute la journée à la maison… »

Prenant un air résigné, la rouquine se dirigea vers les jauges de pressions et les différents instruments de mesure, dans le but d'y comprendre quoi que ce soit.
Et puis...
Ce genre d'allusions marchaient sur Credna et sur les garçons, pourquoi pas sur cette scientifique, après tout ?

La station était immense, des tuyaux et des conduits dans tous les sens. Crocs-de-Lumière ne comprenait pas vraiment ce que se disaient les deux demoiselles, néanmoins il se doutait que tout se déroulait comme sur des roulettes.

*Je me demande comment on va s'y prendre... Comment on va détruire ce bâtiment?*

Le Cliath tournait en rond et ne se sentait pas à l'aise, cette odeur était putride et arranguait son odorat développé...
Il se tourna vers Rêveur-des-Prairies, lui renifla le museau, et s'adressa à lui:

"Explique moi ce qu'il se passe, Rêveur, je ne comprends rien..."

Il y avait des tonnes de molettes, de jauges et autres boutons, est-ce que l'un d'eux pouvait servir à stopper cette pollution? Crocs-de-Lumière ne pourrait le savoir, déjà qu'il ne savait quasiment rien des Hommes. Néanmoins, il ne demandait qu'à apprendre, sa soif inextinguible de connaissance avait de quoi être rassasiée...

Le lupus se mit alors à renifler la laborantine...

Mlle Dupré répondit en reculant pour essayer de s'éloigner un peu de la truffes des chiens un peu trop... fouineurs.

"Oui, un peu sinistres. Mais rien de bien grave, c'est un mal nécessaire quand on embauche des gens qui viennent d'eux-mêmes... je crois."

Tout à coup la jeune femme avait l'air moins à l'aise, il y avait non seulement ces chiens qui la rendaient un peu nerveuse et... autre chose. Elle avait encore du travail de son côté et devait se dépêcher d'expliquer sa tache à Maeve. Dupré changea donc le sujet de conversation en montrant les compteurs.

"Vous voyez cette jauge graduée, l'aiguille passe dans le rouge à peu près toutes les demi-heures. Dès que c'est le cas, vous coupez la pression avec cette mannette juste à côté puis vous faite tournez la grosse molette sur votre droite. Une fois que c'est fait vous pouvez relever la manette et attendre que l'aiguille retourne dans le rouge."

La jeune responsable s'apprêta alors à laisser la fille et ses deux molosses. Elle ouvrit la porte métallique pour sortir et avant de s'en aller ajouter.

"Ca ira, vous avez compris ? Et puis pour vos chiens vous pouvez les sortir de temps en temps je sens, mais évitez de les laisser se balader partout dans la station, ils me semble un peu trop curieux..."

Martine Dupré affichait alors un air grave qu'elle dissipa tout de suite avec un petit sourire et un clin d'oeil... et elle eut l'air de se passer la langue sur les lèvres. La lourde porte se referma, laissant Maeve Brise-de-Feu et ses deux compagnons sous forme lupus à leur travail.

Rêveur-des-Prairies s'était beaucoup amusé à rendre les papouilles que lui donnait Maeve et il n'avait pas dû se forcer le moins du monde pour remuer la queue et effectuer d'autres mouvements d'expression corporelle...

Une fois qu'ils furent seuls, il se mit à côté de Crocs-de-Lumière et laissa passer une petite minute avant de lui expliquer ce qui se passait et ce qu'il comptait faire de son côté pour tenter de régler le problème engendré par la station " d'épuration ". Il avait un peu de mal à réadapter ses oreilles pour ne pas devoir entendre d'étranges sons. Il devrait entraîner sa capacité à ouvrir et bloquer ses perceptions...

" Maeve va regarder de son côté ce qui ne va pas et grâce à elle, on peut se promener dans la station sans être top inquiétés.... de mon côté, j'entends un Esprit qui me parle, je dois trouver où il se cache pour savoir ce qu'il veut... tu peux me suivre ou rester avec Maeve, mais moi j'y vais tout de suite ! "

Sans un mot de plus, il se dirigea vers la porte qu'il ouvrit après maints tortillements. Il resta un instant dans le cadre de celle-ci, lançant un regard à Crocs, puis sortit complètement et commença à inspecter les lieux, réouvrant grands les oreilles sur les conseils de Grand-Mère Daliah, en quête de ce qui l'appelait...

Le Cliath examinait attentivement la situation. Il y avait Maeve qui de son côté essayait de voir comment fonctionnait toute cette machinerie, s'il y avait un moyen de faire sauter l'installation, c'était bon à savoir. De son côté, Rêveur-des-Prairies était à l'affût d'un esprit, celui-ci semblait directement communiquer avec lui. Il ne fallait pas négliger l'esprit, l'Alpha le savait, c'est pourquoi il suivit son compagnon lupus, mais auparavant il s'adressa à Maeve Brise-de-Feu:

"On te laisse, Rêveur-des-Prairies communique avec les esprits, c'est une piste intéressante, si tu as du nouveau de ton côté ou si tu as un problème, hurle, nous accourerons..."

Un sourire discernable à travers la large mâchoire du lupus servit de terme à cette discussion entre Crocs-de-Lumière et la jeune irlandaise.
Puis, se tournant vers son autre compagnon, l'Alpha de la meute de l'Oeil Foudroyant, se mit derrière Rêveur-des-Prairies et lui demanda:

"Alors? Du nouveau? Essaye de ne pas trop t'éloigner de Brise-de-Feu, la clé de notre réussite est notre solidarité, ne l'oublie pas..."

Maeve admira avec quel tact et quelle diplomatie ses compagnons de meute venaient de la laisser en plan. Elle avait rarement vu ça… Bon, aussi, elle avait essayé de comprendre comment marchait la foutue console et… d’accord, elle n’aurait peut-être pas du que faire un vague signe de la main quand les deux lupus lui avaient dit où ils allaient et…

Bref, elle se retrouvait toute seule dans la salle comme une idiote. Ca lui apprendrait à essayer de comprendre quelque chose de scientifique alors qu’elle faisait un Bac L.

* En parlant du bac… J’espère qu’ils vont me laisser finir mes études ! * Songea-t-elle en s’asseyant dans un coin.

Elle était vraiment épuisée, et sa tante lui manquait énormément… Elle se trouvait désormais dans un endroit, si ce n’est connu, au moins plus repérable que le caern. Il n’y avait plus de dangers immédiats et contrairement aux deux autres elle n’avait pas la force d’enquêter. Son seul parent vivant venait de mourir, l’autre adulte qui aurait pu lui servir de tuteur l’ayant précédé depuis peu. Elle avait froid et sommeil.
Brise-de-Feu ferma les yeux, s’appuyant contre la paroi. La pression de la mission s’étant relâchée, le flot de douleur montait à nouveau. Credna ne serait plus jamais là pour l’aider, la conseiller, et elle ne savait même pas comment prévenir les amis qui venaient visiter sa tante. La Fiann ne savait pas non plus s’ils étaient humains. Une larme acide coula le long de sa joue, puis une autre. La vie était injuste…