Chapitre 2 "Rue de la Roquette"

"On est partis…"

Seth’ se leva de table. Il avait payé le patron de l’échoppe avec l’argent généreusement avancé par Murphy. C’était d’ailleurs plutôt une bonne idée de sa part, les membres de la tribu de ceux-qui-rongent-les-os n’ont souvent pas le moindre sou en poche, et Sethrus en profita pour rendre le porte monnaie à son propriétaire.
En se levant, il tint à vérifier si le bonhomme qui avait l’air de l’observer tout à l’heure n’avait pas bougé. Seth’ préféra cependant ne pas en faire pas aux autres, sans convictions il était bien inutile d’ajouter une pression supplémentaire. Ils sortirent donc du petit restaurant.

"La première adresse indiquée par l’annuaire est à deux pas d’ici. Avec un peu de chance, on aura pas besoin de visiter d’autres baraques. "

Malgré ce qu’ils s’apprêtaient à faire, Sethrus était confiant. Il s’efforça surtout de croire que sa prière quotidienne suffirait à ce que tout se déroule pour le mieux. Il n’avait pas à mêler ses sentiments à ce genre d’affaires, il accomplissait les ordres du caern, la règle du bien commun primant sur celui de l’individu.
A un coin de trottoir, le Rongeur d’Os lâcha discrètement, sans s’arrêter, le morceau de viande qu’il avait gardé en tant que modeste offrande à son totem. Si un chien errant venait à passer par là et le mangeait, alors en toute logique ce serait bon signe.

*j'imagine que des repas comme ça ça n'arrivera pas tous les jours* se dit Murphy à lui meme. "et vas-y qu'on va en bouffer du lapin pas cuit et des racines de je ne sais quelle saloperie de verdure...*

le trio progressait dans la rue de la roquette, lieu bien connu du Fianna. les fonds de verre furent vidés ici, des fringues achetées là, des stupéfiants acquis dans cette ruelle. en passant devant le café des anges, le Galliard se remémora le nombre de fois qu'il y avait refait le monde, parfois avec un petit homme et un grand allemand qui bossaient à deux pas de là.

mais le monde avait changé, les gens se contentaient désormais de musique facile à écouter, dont les seules thèmes sont l'amour à-l'eau-de-rose. l'humour décalé n'avait plus court ici bas. pas plus que l'art. la créativité se devait d'etre rentable, ou n'avait pas à etre. Murphy cracha, gout amer des échecs musicaux qu'il pu connaitre.

dans cette marée de proies, il se sentait prédateur. il aurait voulu se saisir de l'un des passants, de lui ouvrir le ventre et de montrer à tous ces gens persuadés d'etre dominants qu'ils ne méritaient guère plus qu'une mort rapide sans trop de douleur. creve etre humain, creve.

*allez on se calme...*

c'est alors que Murphy se rendit compte du cliquetis que produisait son cran d'arret qu'il extirpa de sa poche durant ses rêveries assassines. mais pourquoi s'était il entiché de cette arme innofensive? sous sa veste se tenait caché le creve-coeur offert par Minos. aujourd'hui il servirait. déjà le gout du sang emplissait la gueule de Murphy. un doux désir de meurtre germait en lui. il lui faudrait tuer, autant etre pres...

" Felh… "

Seth’ lança un regard perplexe à Lily. Il fallait bien qu’on soit fixés. Et à vrai dire il ne savait pas s’il préférait que la personne qui répondrait à l’interphone soit celle qu’il cherchait, soit qu’elle n’est rien à voir. Et comment parviendraient-ils à connaître la nature de ce Siegfried ?
Sethrus commençait à se poser trop de questions et il n’aimait pas ça. N’ayant rien d’autre à faire pour avancer dans leur enquête, le Rongeur d’Os fini par presser le bouton de l’interphone à côté de l’étiquette indiquant le patronyme de leur cible.
Peut être par nervosité, n’ayant pas de réponse immédiate, Seth’ sonna de nouveau. Il fixait avec une concentration excessive le haut parleur de l’interphone attendant une quelconque réponse qui fixerait la future réaction du garou : s’excuser et passer à l’immeuble suivant, ou bien défoncer la porte et se ruer à l’étage pour éliminer de le façon la plus exécutive qui soit celui dont on leur avait réclamé la tête….

" Allô ? Qui est-ce ? "

C’était une voix de femme et malgré la qualité exécrable du son, on y sentait une certaine fatigue et une lassitude profonde.

" Siegfried ?... "

Il y eu un long silence, mais on pouvait entendre le souffle de la femme qui était retranscrits par des grésillement dans le haut parleur.

" Mon époux est parti il y a presque trois mois. Je ne sais pas si je le reverrai, mais vous pouvez toujours laisser un message si vous n’avez que ça à faire… "

Murphy regarda ses deux compagnons, l'air interloqué.

"c'est une famille à problèmes on dirait."

s'approchant de l'interphone le galliard s'adressa à la femme d'une voix sure, il voulait donner l'air de maitriser le probleme.

"non m'dame, pas de message à laisser, par contre si vous nous aidez, on pourra peut etre retrouver votre mari."

les autres devaient tirer une sacrée tronche, le Fianna possédait un don pour s'enfoncer toujours plus loin dans la mouise. mais feindre une hypothétique recherche de ce Siegfried permettrait d'en apprendre plus sur Dereck et sa vie passée, et remonter ainsi jusqu'à leur victime.

Un garou peut effectivement vivre en solitaire, il est alors ce que l'on appelle un loup perdu. Un sans meute, reconnu par aucune tribu et qui ignore souvent tout des réalités de sa nature, victime de ses transformations qu’il n’a pas appris à contrôler.

La voix hésita un instant dans un grésillement. Le ton se fit finalement plus agressif:

"Siegfried n'existe plus pour moi monsieur... je ne veux plus en entendre parler, et je n'ai aucune envie d'aider des gens qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas. Au revoir monsieur."

L'interphone se tût dans un ultime cliquetis plongeant ce hall d’immeuble désert dans un silence bien pesant. Il n'y avait apparemment rien à tirer de cette pauvre femme.

C’est alors que dehors, dans la rue, une silhouette inattendue passa. Ce n’était pas un simple badaud arpentant le trottoir, ni une voiture. On aurait dit un animal qui se déplaçait avec aisance et fierté. Il passa une nouvelle fois dans l’autre sens avant de s’arrêter juste en face de l’immeuble dans lequel se trouvaient les trois garous.
C’était un cerf. Il y avait un cerf majestueux en plein milieu de la rue et auquel les passants ne prêtaient aucune attention. Le voyait-ils ? En tout cas Lily, Seth et Murphy distinguaient parfaitement l’animal qui les dévisageait.
Une fois qu’il fut sûr d’avoir attiré l’attention des trois métamorphes, il se cabra et s’élança à travers les rues à vive allure.
Une rengaine entraînante murmura alors à l’oreille de Murphy :

" Fianna, cours Fianna, chasse Fianna, cours cours si tu veux ta proie… ! "

ruminant quelques secondes, impassible, le lycantrope toisa ses deux acolytes.

"mouais. m'est avis qu'on ferait mieux de se presser un peu, c'est l'heure de chasser."

alors le Fianna partit en trombe, courant le plus vite qu'il pouvait à la poursuite du cervidé. ses genes de loup garou enfin exprimés, il se sentait capable de courir bien plus vite, et le désir d'adopter une apparence plus apte à la chasse lui tirailla les entrailles. le vent frais qui caressait ses joues dans sa course et l'adrénaline parcourant son corps à un rythme effréné le rendaient ivre de joie. à l'attaque ! il aurait adoré voir le visage des gens voyant passer devant eux un cerf poursuivit par une montagne de crocs de poils et de dents.

mais son sens de la discrétion pris pour une fois le dessus... et Murphy se contenta de cavaler apres son totem, àen perdre haleine. les autres le suivaient il? aucune idée, pour l'instant il se contentait de vouloir choper le cerf.

"Yeeeeaaaah !"

Après une longue période de scepticisme, Sethrus avait fini par pleinement accepter qu'un monde éthéré peuplé de puisse exister. Il avait d'ailleurs fini par se plier aux rites, à les pratiquer et avait même croisé quelques esprits. Mais bien qu'il ne doutait plus un seul instant de la présence de ses êtres immatériels qui évoluaient sans que - presque - personne ne les remarque, la vue d'une manifestation spirituelle était toujours pour lui un évènement. Surtout lorsqu'il s'agissait d'un grand cervidé en pleine rue.

Le Rongeur d'Os n'eut même pas le temps de se demander ce que pouvait bien leur vouloir Cerf qui se présentait à eux, que Murphy dans toute sa fougue se lança à la poursuite de l'incarnation. Une coutume de Fianna ?
Perplexe, mais pour ne pas laisser son compagnon de meute partir tout seul devant, Seth s'élança également dans la rue en invitant Lily à en faire de même.

"Je sais pas quelle mouche le pique, mais on ferait bien de le suivre si on veut pas le paumer..."

A l'exception de quelques farceurs, les esprits ont toujours une bonne raison de se manifester. Mais Cerf avait la réputation d'être plutôt sérieux lui semblait-il. Arrivé à auteur du Fianna en pleine course, Sethrus demanda:

"Tu sais au moins où il nous emmène ton totem ?"

quelle extase de pouvoir courir sans jamais s'essouffler, du moins était ce la sensation qui envahissait le Fianna. un large sourire dévoilant ses crocs barrait son visage qui avait adopté l'air enjoué d'un enfant jouant docilement à massacrer des fourmis.

la course l'empêchait de se concentrer sur autre chose que sa "proie" qui n'était autre que son totem, mais les paroles de Sethrus lui parvinrent malgré cela aux oreilles.

"Tu sais au moins où il nous emmène ton totem ?"

Murphy éclata de rire, ce qui le déséquilibra le temps de chanceler, de se rattraper à un passant, et de repartir alors que le malheureux s'effondrait sous le choc.

"j'en ai aucune idée! je sais même pas s'il fallait le suivre, mais avoue qu'après un bon repas, un peu d'exercice est bienvenu!"

le temps de reprendre son souffle, le lycanthrope lâcha à nouveau.

"j'ai entendu une drôle de chanson, pas toi? c'est elle qui m'a poussé à prendre en chasse c'ui là."

"Ca s'est fort quand même !"

Au sortir de la rue, en voyant la caserne Sethrus n'avait pu s'empêcher de se demander pourquoi cet esprit les amenait à un tel endroit. Le Rongeur d'Os n'avait pas envie de chercher des noises aux militaires, du moins pas si vite. C'était en avoir vu le bond géant du cerf par dessus le mur d'enceinte et revenir, le plus naturellement du monde. Non mais pour il se prenait celui là, un garou pouvait tout à fait franchir un mur de 6 mètres sans qu’un esprit ne joue les moyens de transport. Bon d’accord ; l’escalade ne risquait pas d’être très discrète surtout en plein jour mais quand même.

" Lily, j’ai l’impression qu’il veut que tu montes sur son dos pour qu’il te fasse passer de l’autre côté. Ce qui m’ennuie c’est qu’on ne sait pas ce qu’il y a de l’autre côté et pourquoi il veut qu’on y aille. "

Cerf avait l’air de sourire bêtement, dans un sursaut de susceptibilité puérile, Sethrus avait envie de lui rendre une grimace, il se retint cependant. De toute façon à l’exception de Coyote, Seth’ n’appréciait que très moyennement les habitants de l’Umbra.

" Non, pas question que je monte sur un fantôme ! Je peux très bien escalader un mur, faites pas chier ! "

Le Rongeur n’avait surtout aucune confiance envers un esprit autre Coyote et il trouvait pour ainsi dire ridicule cette façon de passer un obstacle. Et puis, même s’il ne voulait pas l’admettre, il avait surtout peur de dégringoler une fois sur la bestiole éthérée. Il était un garou après tout, il avait des griffes et des muscles assez puissants pour grimper escalader. Tant pis pour la discrétion.
Sethrus grogna, toujours sous forme homid (fallait pas exagérer non plus) il entreprit de sauter assez haut sur le mur d’enceinte et de se hisser pour retomber de l’autre côté.

Quelle envolée! Le Fianna fut retourné par l'envolée sur le dos de son totem, ça n'arrive pas tous les jours quand meme! Du moins c'est ce qu'il supposait, mais demain serait un autre jour.

le cervidé atterit sans bruit non loin de la Furie qui s'approchait d'un batiment à pas feutrés. A peine Murphy avait il glissé le long de l'esprit que celui ci bondit de l'autre coté du mur. Le Galliard sourit en repensant à la mine déconfite du Rongeur lorsque Lily avait été emportée à l'intérieur de la caserne. Quelque chose laissait croire au jeune garou que ça n'était pas la perspective d'affronter des militaires qui frigorifiait son frere de meute.

Se faufilant derrière un tas de caisse, Murphy se décida à rejoindre sa soeur, et tant qu'à faire, se dérober aux yeux des militaires. Ils allaient devoir commettre un assassinat dans une caserne, autant ne pas avoir une armée de militaires - elle était bien bonne celle-là - aux trousses.

malheureusement, alors que le lycanthrope s'élançait sans un bruit pour rejoindre la Furie, son pied heurta l'une des caisses, ce qui fit vaciller la pyramide de bois derrière laquelle se terait le Fianna.

*et m.....*

Le jeune homme, ecoutait tout ce qu'on lui disait de l'autre côté du réseau téléphonique, des mots, des révélations sur ce qu'il était devenu... ou avait toujours était.
De temps en temps il jettait un regard vers osn père qui se contentait d'approuver sans entendre ce qui se disait mais en devinant ce qui devait se dire.

- Je ne tiens pas autant de toi qu'on dirait alors... dit'il un peu las de tant de changement.

- Pas autant qu'il n'y parrait non, je m'y suis bien fait avec ta mère, c'est pas si terrible que ca te parrait.

Dereck acquiesça se reconcentrant sur le flux de paroles presque continu qui lui emplissait les oreilles. L'histoire de ses ancêtres, de sa lignée, des générations de défenseurs de Gaïa...